Un article ne nous appartient pas, mais il est notre reflet

Un aspect important de la rédaction d’articles dans un wiki sous licence libre est que nous ne sommes pas propriétaire des articles. Si on compare cette situation au code de la propriété intellectuelle, c’est plutôt logique étant donné que les « propriétaires » des articles en sont ses auteurs, donc dans le cas de wikis collaboratifs, l’article ne nous appartient qu’en tant que co-auteur.

L’article n’appartient pas à une personne, mais à l’Humanité

Le principe des wikis ouverts comme Wikipédia est de permettre à n’importe qui de modifier un article, ce qui fait qu’en réalité, l’article appartient à ceux qui ont déjà contribué dessus, mais aussi à tous ceux qui peuvent potentiellement le modifier, donc l’intégralité des personnes de ce monde. On reproche souvent à Wikipédia de faire disparaître la notion d’auteur, mais ces critiques oublient qu’une encyclopédie est destinée à permettre à l’Humanité d’avoir l’intégralité de son savoir à disposition et il est intolérable de penser ou de considérer que le savoir ne doit être qu’entre les mains d’élites qui savent, tandis que les moutons du peuple qui ne savent pas doivent croire l’élite sur parole sans broncher. La véritable encyclopédie est celle que l’Humanité construit pour elle-même ; l’auteur en est l’Humanité, l’éditeur est l’Humanité et le lecteur est l’Humanité, tel est le principe de base de Wikipédia, et ce principe n’est pas négociable.

Il est toujours amusant de voir des personnalités publiques ayant un article leur étant consacré sur Wikipédia demander (quand ce n’est pas leur service de communication) à ce qu’il soit le rédacteur exclusif de l’article, sachant que généralement il cherche à connaître les auteurs antérieurs de l’article et demande ce que personne d’autre qu’elle-même ne modifie l’article, les personnes tierces devant demander une autorisation. Ceci montre une ignorance à la fois de ce qu’est un wiki et du principe et de l’objectif de l’encyclopédie ; mais à ce niveau Wikipédia paye son excellent référencement dans les recherches Google, référencement qui parfois devrait être revu à la baisse pour certains articles. Mais qui pourrait reprocher à quelqu’un de vouloir contrôler sa réputation sur Internet, surtout sur un site comme Wikipédia qui fait autorité (parfois à tort) dans le domaine de la recherche sur le web ? Moi. Car vouloir contrôler ce qui ce dit pour supprimer la diffamation et les informations fausses pouvant porter préjudice est un acte que je soutiens entièrement, mais manipuler le contenu d’un site public pour cacher certains actes (montrant que ces gens n’ont pas la maturité suffisante pour assumer leurs actes) ou pour embellir leur CV est un acte que je condamne fermement et que la patrouille RC combat chaque jour.

Un article est le reflet de ses auteurs

Bien que Wikipédia soit ouverte, il existe certains us dans la modification d’un article, afin de permettre un respect vis-à-vis du travail d’autrui. Nous avons chacun notre manière de mettre en forme un article (un exemple fréquent est la mise en forme des pieds de page), mais tant qu’elle respecte les règles et recommandations, il est coutumier de laisser la mise en forme mise par l’auteur original de l’article. L’auteur principal d’un article est celui qui a le plus participé en terme d’ajouts et d’améliorations du contenu ; l’article possède généralement les caractéristiques de rédaction de cet auteur principal. Si la rédaction de l’article est le fruit d’une collaboration active de plusieurs personnes, le contenu sera plus hétérogène qu’un article rédigé par une unique personne, mais il sera le reflet de la collaboration de plusieurs personnes qui auront créé un style particulier qui ne sera ni plus ni moins qu’un mélange des leurs différents styles, donnant à l’article un aspect cohérent et homogène.

S’approprier les articles

Bien que dans les faits, nous ne pouvons nous déclarer propriétaire des articles, nous nous approprions notre propre travail (ce qui est normal). Ainsi, nous nous approprions les articles que nous avons créés et modifiés en profondeur, appropriation qui se caractérise notamment par l’inclusion des articles dans nos listes de suivi. Ce fait est une forme de légitimer nos contributions dans nos domaines de prédilection, mais aussi une manière pour nous d’avoir l’impression d’être en contact avec un contenu familier et non étranger, point qui nous permet d’être rassurés face à ce contenu. Est-ce que l’appropriation des articles est une mauvaise chose ? Non, car d’abord c’est une caractéristique humaine que nous ne pouvons pas supprimer comme par enchantement et elle permet à un contributeur de naviguer et de surveiller un champ délimité d’articles dont il connaît bien le sujet, ce qui limite le risque de vandalismes et d’insertions de canulars.

L’appropriation ne devient un vice que lorsque le contributeur exprime de l’intolérance face à ceux qui modifient les articles qu’il considère comme étant les siens, ce qui est contraire au principe de collaboration et au quatrième principe fondateur. Ce type de contributeur se caractérise par une tendance à être vite agressif lorsque son travail est critiqué et tente de se légitimer en prouvant qu’il a autorité sur « ses » articles, car il en est le seul contributeur qui y contribue de manière régulière et sérieuse. Il a par ailleurs une fâcheuse tendance à parfois mettre en avant le caractère personnel de ses créations dans l’encyclopédie, refuse souvent que son travail soit modifié par une personne tierce sans son autorisation et montre un refus catégorique à écouter les autres, considérant qu’il a raison et que les autres ont formés une cabale contre lui. Il en découle que la plupart de ces contributeurs sont bloqués, voire bannis pour non-respect des règles de savoir-vivre et du principe de collaboration, chose qui est dommageable, car il s’agit souvent de personnes qui ont un fort potentiel à améliorer les articles, mais qui peut accepter de travailler avec des gens qui font ce qu’ils veulent et se comportent comme des pitbulls quand ils s’adressent à vous ?

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Cette œuvre de Juraastro est mise à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution – Pas de Modification 3.0 non transposé.

Pas de dossier en mars

Bonjour à tous.
Ayant été très occupé en février, je n’ai pas pu me lancer suffisamment tôt pour commencer la rédaction du dossier de mars sur les sagas MP3. La publication est donc repoussée au 1er avril 2013 (non non, ce ne sera pas un poisson d’avril :p). Encore désolé à ceux qui attendaient impatiemment ce dossier, mais j’ai besoin de pas mal de temps pour réaliser des dossiers de qualité.

À quand un Internet vraiment libre ?

On peut souvent croire que l’endroit où nous sommes le plus libre dans notre vie est Internet. Certes, il nous est possible d’agir avec plus de liberté que dans la vie réelle, mais à l’heure des cookies, spywares et autres logiciels espions doublés de législations qui tentent de prendre le contrôle d’Internet, sommes-nous vraiment libres lorsque nous naviguons et un Internet libre qui respecte la
liberté et l’intimité des citoyens tout en limitant les abus est-il possible ?

Représentation d'une portion d'Internet

Représentation d’une portion d’Internet, The Opte Project (CC-BY 2.5)

Un FAI unique mondial

Pour être connecté à l’Internet, nous avons besoin d’un fournisseur d’accès à Internet (FAI) qui gère des infrastructures et permet la connexion au réseau à partir d’abonnements. Ces entreprises se livrent à des guerres des prix et la qualité des connexions varie d’un FAI à l’autre. Internet est un réseau mondial qui met l’Humanité en relation avec l’Humanité ; pouvoir y être connecté est donc un droit universel. Comment pouvons avoir une égalité devant la connexion à Internet avec une multitude de FAI aux prestations variées ?

La seule solution viable pour moi est de créer un FAI mondial qui permettrait un accès égal pour tous les citoyens du monde, avec un tarif qui serait le même pour tous et à terme une connexion au très haut débit pour tous. Un tel FAI permettrai de supprimer la guerre des prix et d’égaliser la qualité de prestation à l’échelle planétaire. Ce FAI serait géré par l’ONU et n’aurait aucun objectif économique, il s’agirait plus d’une organisation mondiale que d’une entreprise. Un tel FAI faciliterai les enquêtes de délits et crimes commis via Internet dans un pays à partir d’un autre.

Limiter les abus par une législation juste et adaptée

Inutile de se leurrer, toutes les tentatives de mise en place d’une législation à propos d’Internet ne furent rien d’autre que des tentatives de prendre le contrôle du réseau et de limiter la liberté des citoyens. Je suis bien d’accord qu’Internet se doit aussi d’être un lieu où nous devons respecter le droit et la liberté d’autrui (« Notre liberté s’arrête là où commence celle des autres »), et que seul un texte de loi explicite et clair pourra permettre la limitation des abus quotidiens. Cependant, ce texte doit être fait avec les citoyens et non pas dans leur dos avec une rédaction effectuée avec la complicité de lobbys. Les différentes lois nationales permettent les abus, car un site doit respecter la loi du lieu où il est hébergé et non du lieu où le webmaster est situé. Cette législation doit se faire à une échelle mondiale, car Internet est un réseau mondial, ce qui implique d’abolir les lois nationales relatives à Internet, pour les remplacer par un texte unique international.

Que devrait contenir un tel texte ? Des articles permettant la coopération internationale des polices nationales pour qu’elles puissent obtenir les pouvoirs de demander les informations nécessaires aux hébergeurs de sites ou blogs violant la loi du pays où est situé l’utilisateur. Cette loi doit garantir la protection du droit d’auteur et le respect des citoyens entre eux. Cependant, elle doit garantir leur liberté d’expression, leur liberté d’agir et leur liberté de consulter les sites qu’ils souhaitent. Une telle loi pourrait entre en contradiction avec les lois nationales qui ne concerneraient pas forcement Internet ; mais cette loi ne doit pas permettre aux états d’agir comme bon leur semble sur Internet ou d’abolir d’autres textes nationaux. Cette loi doit permettre la facilitation des recherches de gens qui violent la loi du pays dans lequel ils se trouvent à partir d’Internet, tout en conservant les lois nationales.

En finir avec Big Brother

Notre navigation sur Internet est en permanence surveillée, que ce soit par les services de police ou secrets de différents états ou par les logiciels espions présents sur les sites que nous consultons. La nouvelle loi mondiale doit interdire ces pratiques de flicage des citoyens afin de récupérer leurs données personnelles pour ensuite les vendre. Internet doit être un lieu où les gens peuvent naviguer comme bon leur semble, sans être importunés ou avoir la crainte d’être espionnés par des personnes malveillantes. De plus, nous sommes espionnés par nos propres états pour qu’ils sachent ce que nous faisons et connaissent le moindre de nos faits et gestes, alors qu’ils sont garants de la protection de notre vie privée. On peut certes organiser une certaine surveillance de sites louches à la limite de la légalité, puis ensuite surveiller les personnes qui consultent régulièrement ce genre de sites, mais pas surveiller l’intégralité des gens !

Au final qu’est-ce qu’un Internet libre ? Un Internet où les citoyens ont une liberté d’expression totale qui ne doit que respecter autrui et rentrer dans le cadre de la loi de leur pays. Un Internet où les citoyens sont égaux devant leur liberté d’agir, de consulter et d’avoir accès au réseau. Un Internet gouverné mondialement et non pas par quelques sociétés privées qui tentent d’imposer leur vue mercantile et leur loi. Un Internet créé par et pour les citoyens.

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Sources et admissibilité, mais où est le savoir ?

Wikipédia est une encyclopédie, et à ce titre elle se doit de traiter l’ensemble du savoir de l’Humanité. Certes, elle se démarque des grandes encyclopédies de référence comme Britannica ou Encyclopaedia Universalis de part la plus grande diversité des sujets traités, chose qui est pour moi un progrès qui peut me permettre d’affirmer que Wikipédia est l’une des rares, sinon la seule, encyclopédie stricto sensu (dans le principe, donc je fais abstraction de l’exhaustivité et de la qualité du contenu des articles). Cependant, dans cette recherche de traité l’intégralité des sujets, beaucoup de sujets atterrissent sans que leur existence ne relève du savoir, mais leur présence est acceptée parce qu’il existe des sources. Ainsi, les articles de Wikipédia ne sont plus créés en fonction de leur potentiel encyclopédique, mais de leur simple existence.

Savoir et information : quelle différence ?

Une première nuance à faire est celle entre le savoir et la connaissance. La connaissance désigne le fait de connaître, tandis que le savoir est un ensemble de connaissances ; par un raccourci, on peut affirmer que l’encyclopédie est une matérialisation concrète du savoir. Lorsque l’on parle de connaissance, il s’agit de la faculté de connaître des notions, des théorèmes… Il s’agit d’une compilation d’informations qui nous proviennent de notre éducation, de notre curiosité ou tout simplement de nous-même. Ces informations ont été traitées par l’esprit de l’Homme qui les a organisées et reliées entre elles pour former un bloc nommé connaissance autour d’un sujet précis. L’information est quant à elle un fait brut que l’Homme obtient en captant ce qu’il perçoit dans son environnement. Alors que l’information n’est qu’un traitement brut par le cerveau de ce nous percevons autour de nous, la connaissance nécessite une action de réflexion que nous engageons en manipulant et en reliant les différentes informations que nous avons en notre possession.

Wikipédia : une encyclopédie

Il est bon je pense de rappeler le premier principe fondateur de Wikipédia :

« Wikipédia est une encyclopédie qui incorpore des éléments d’encyclopédie généraliste, d’encyclopédie spécialisée et d’almanach. Une encyclopédie est composée d’articles qui font la synthèse des connaissances sur un sujet donné. Wikipédia a une vocation universelle, et doit présenter une synthèse raisonnée de l’ensemble du savoir humain établi. »

Première grande caractéristique : Wikipédia ne se limite pas à être encyclopédie généraliste comme celles que ses critiques aiment tant se référer, pensant qu’il ne s’agit que de l’unique modèle d’encyclopédie, alors qu’il existe des encyclopédies plus restreintes à des domaines particuliers. Wikipédia est un ensemble de tous les types d’encyclopédies que l’on puisse trouver et c’est en cela qu’elle est une encyclopédie au sens strict du terme, tandis que les autres types d’encyclopédies se voient qualifiés par un adjectif (généraliste, spécialisée…), car étant limités à des domaines restreints du savoir humain. Autre caractéristique : un souci de synthèse des connaissances qui ne doivent pas être présentées de manière ultra-précise, mais de manière organisée et synthétique, ce qui permet une accessibilité universelle des articles (des néophytes aux experts). Ceci peut entrer en contradiction avec la demande de présenter l’ensemble du savoir, mais traiter un ensemble ne signifie pas le traiter en détail de l’infiniment grand à l’infiniment petit.

Admissibilité des articles

Les critères d’admissibilité des articles ont été créé afin de réguler le nombre d’articles créés sur Wikipédia. De mon point de vue, la nécessité de tels critères tient surtout du fait que les gens ignorent ce qu’est une encyclopédie et n’arrivent pas à faire la nuance entre la connaissance et l’information (chose qui se retrouve aussi chez certains contributeurs réguliers). De prime abord, les critères semblent se baser sur l’existence de sources ; la chose est en réalité beaucoup plus subtile. Les critères généraux d’un article de Wikipédia exigent l’existence d’un article dans une encyclopédie de référence et/ou au moins deux ouvrages dont le sujet principal est le sujet de l’article de Wikipédia. Si on y regarde de plus près, on voit facilement qu’il s’agit d’une exigence que le sujet de l’article relève du savoir, vu que le traitement par une encyclopédie et par différents ouvrages montre que ce sujet a été analysé et qu’il s’agit de connaissances et non d’informations brutes.

Par abus de langage, les critères préfèrent parler de notoriété des sujets. Le seul problème est que la notion de notoriété ne peut être associée à la notion de savoir (un savoir n’est pas notable de facto) et que la notoriété reste une notion vague étant donné qu’aucune échelle (précise ou non) n’est indiquée pour dire ce qui est notable ou non-notable. Si dans le fond, les critères spécifiques se relient assez bien aux critères généraux et à l’exigence de savoir, je crains que cet accent sur la notoriété n’obscurcisse la notion de base d’une encyclopédie qui est celle du savoir et c’est une chose que l’on remarque de plus en plus dans les débats des procédures de pages à supprimer (PàS).

La source ne fait pas le savoir, le savoir n’est pas la notoriété

L’idéologie de base des inclusionnistes est de considérer que l’existence de sources sur le sujet (centrées ou non) est un critère suffisant pour rendre un article admissible. Bien que ces contributeurs exigent un minimum dans la qualité des sources (entendez par là qu’il ne demandent pas non plus des blogs ou des comptes Facebook), je note une certaine légèreté dans certains cas, particulièrement dans les cas d’articles traitant de sujets actuels et/ou de personnes. Une tendance que je note est que l’on accepte trop facilement des sources comme les médias, oubliant de nombreuses choses ; d’abord, les articles des médias ne sont pas toujours fiables (il suffit de prendre pour exemple les journalistes qui basent leurs informations sur Wikipédia sans prendre le temps de vérifier ailleurs l’exactitude de l’information) et ensuite les médias ne présentent aucune connaissance (ce n’est pas leur rôle), mais de simples informations brutes. Les accepter en tant que telles ne fait pas de ces articles des articles encyclopédiques et surtout prouvent la non-admissibilité des sujets considérés, car les sources montrent qu’il ne s’agit pas de connaissances.

De l’autre côté, les suppressionistes prônent un respect plus ou moins strict des critères. Dans certains cas, ce n’est guère mieux car certains critères spécifiques (notamment ceux sur les hommes politiques) n’ont pas du tout été créés selon la notion de base de savoir. Donc oui, je suis d’accord avec certains contributeurs qui exigent une révision des critères, mais il faut que cette révision se fasse dans un souci unique de considérer selon quels critères un article rentre dans la définition du savoir et non selon quelles sources et/ou selon quelle couverture par des sources qui montreraient une notoriété qui ne serait pas un marqueur de savoir.

Le grand problème aujourd’hui est qu’au niveau des PàS et des discussions autour des critères, on ne pense pas savoir, mais notoriété. Si le public ignore ce qu’est une encyclopédie dans un sens large (autre que la version clichée de la collection de gros bouquins chers qui trônent fièrement au sommet des bibliothèques), nombreux sont les contributeurs qui ne font pas la différence entre la connaissance et l’information. Cette confusion entretient un grand amalgame qui fait que sur le long terme, Wikipédia risque de perdre son statut d’encyclopédie (ce futur m’inquiète d’autant plus que certains membres de la communauté l’indiquent déjà sans la moindre pudeur, comme si selon eux c’était normal que Wikipédia ne soit plus une encyclopédie).

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Internet : le subconscient des pensées et des luttes de l’Humanité

Il est parfois des soirées devant la télévision qui peuvent se révéler fort instructives et qui peuvent nous amener à réfléchir sur ce qu’est Internet et sur le rapport que l’Humanité entretient avec lui, pour le meilleur comme pour le pire. La soirée d’hier fut très enrichissante de ce point de vue entre l’émission le Vinvinteur sur France 5 qui a présenté des sites qui servent de véritables défouloirs (à côté d’eux, Twitter fait figure de nain) et ensuite le film Gandhi sur Arte.

Un défouloir né de la liberté d’être

La plus grande caractéristique d’Internet est d’être une entité irréelle sur laquelle nous avons une liberté quasi-totale de faire ce que bon nous semble. Cette liberté provient en grande partie de l’anonymat (chose fustigée par les grands penseurs qui ne peuvent concevoir qu’une chose aussi importante puisse échapper à leur contrôle) qui nous offre la possibilité de faire et de montrer le meilleur comme le pire de nous-même sans risque d’être réprimandé. De plus, la dimension mondiale d’Internet fait qu’il échappe à un contrôle global et aux lois des différents pays à partir du moment où l’utilisateur effectue des choses qui ne sont pas illégales dans le pays où le site est hébergé (expliquant le problème de Twitter en France, car hébergé aux USA où des propos choquants sont plus facilement acceptés au nom de la liberté d’expression).

Sur Internet, l’Homme montre sa nature profonde et ses pensées réelles. Il ne montre aucune hypocrisie pour peu qu’il ne puisse être identifié autrement que par un pseudonyme non-localisable. Ainsi, il peut exprimer des choses qu’il n’oserait jamais dire en public, car ses propos seraient considérés comme immoraux, voire illégaux. S’agit-il de lâcheté ? Je ne serais pas aussi catégorique ; autant je pense que nous nous devons de respecter autrui en tant qu’être humain, autant je pense que cataloguer et lyncher publiquement une personne qui pense différemment est une forme de non-respect de la-dite personne. La société a toujours eu ce défaut de vouloir décider comment penser et d’opprimer ceux qui pensent différemment, voire qui s’y opposent totalement (la tyrannie de la majorité décrite par John Stuart Mill dans son essai De la liberté). Internet est un moyen de résister à cette tyrannie de pensée qu’exerce la société sur l’individu. Cependant, cela ne veut pas dire que je légitimise les propos orduriers que certains tiennent par lâcheté ou par ignorance, car ils ne sont en aucun cas capables de les assumer en public.

Sur Internet, l’Homme est ce qu’il est réellement, il n’est plus l’Homme que la société veut qu’il soit. Sa liberté d’agir est sa liberté d’être.

Défendre une cause sans faire usage de violence

Internet offre aux citoyens un nouveau moyen d’exercer des pressions et de lutter contre l’injustice. Le caractère mondial fait qu’aujourd’hui, ce n’est plus un peuple ou un fragment de la population qui se compterai en quelques milliers de personnes en plusieurs jours, qui a la capacité d’agir, mais des millions de gens à l’échelle du globe (les révolutions dans les pays musulmans en sont un bon exemple). Cependant, Internet n’efface pas les violences qui peuvent apparaître durant nos luttes, il permet même parfois de les renforcer en créant des violences virtuelles dont l’impact peut aussi conséquent, voire plus fort que des violences réelles. Il est certes possible que la non-violence puisse être inadaptée à certains cas de figures, mais il ne me semble qu’il n’ait jamais été prouvé que les actions violentes aient menées à quelque chose de constructif et de durable sur le moyen et le long terme.

Agir et lutter via Internet nécessite, pour avoir une certaine crédibilité, de ne pas répondre à la violence par la violence, surtout lorsqu’Internet offre la possibilité de dire des choses que nous ne serions pas même capable de dire face à une personne dans la vie réelle. Internet peut être une arme de lutte et un moyen de coordination pour lutter réellement à grande échelle avec efficacité sans pour autant faire usage de violence qu’elle soit verbale. L’envoi de logiciels malveillants pour paralyser un système est une forme d’action non-violente. Cependant, cela ne doit pas non plus conduire à manquer de respect envers les individus en exhibant l’intégralité de leur vie privée au monde entier. Si certains hommes sont en effet de véritables ordures par leurs actes, lutter contre eux en violant leur intimité les relègue au rang de victime et les hackeurs deviennent alors des criminels au yeux de l’opinion (en grande partie manipulée par les médias) ; au final, l’action aura eu l’effet complètement inverse.

Quels sont les moyens de lutter de manière non-violente sur Internet ? En organisant des événements qui peuvent paralyser un réseau, en créant des journaux web qui peuvent ensuite diffuser des nouvelles de manière virulente sans pour autant tomber dans la facilité de l’insulte, en créant des contre-courants pour briser un certain monopole certains domaines (logiciels libres…) et bien d’autres choses. Certaines de ces actions sont illégales me direz-vous, mais la plupart de ces actions violent des lois injustes et le principe de la désobéissance civile n’est pas de toujours rester dans la légalité lorsque celle-ci se montre injuste envers les citoyens. Dans nos sociétés démocratiques, les citoyens sont sensés être les souverains de leur propre pays, mais force est de constater que le pouvoir est aujourd’hui aux mains d’une oligarchie que les citoyens ne font qu’accepter, car nulle alternative sérieuse ne leur est présentée. Lorsqu’il s’agit de lutter contre un lobby ou une multinationale, les états sont souvent mis en défaut, montrant la faiblesse de leur pouvoir face à des voyous économiques (que je n’hésiterai pas de qualifier de criminels contre l’Humanité) ; c’est là que les citoyens peuvent montrer leur pouvoir et arriver à réussir où l’état a failli. Cependant, la plupart de ces actions ne donnent aucun résultat ou très peu, car dans nos sociétés où la consommation est reine, les citoyens veulent avoir ce qu’il veulent instantanément ; une lutte longue n’est pas possible, car les citoyens n’en ont pas la volonté et se découragent bien trop vite, peut-être parce qu’ils sur-estimaient leur force ou qu’ils sous-estimaient la puissance de ceux à qui ils s’opposent ou même qu’ils sont un peu trop naïf pour penser que la plupart des gens qui dirigent les multinationales se soucient d’autrui.

Contrôler Internet : une utopie

Les états et les lobbys de certains domaines ont bien compris le danger qu’exerce pou eux un Internet mondial sans véritable contrôle. L’idéal est pour eux de contrôler Internet et d’ainsi de contrôler les actions des citoyens et de briser leur liberté d’agir. Les expériences successives montrent que toutes les tentatives de contrôle d’Internet par la législation, que ce soit à l’échelle de l’ONU, des USA ou de l’UE, ne pourront jamais se faire. Contrôler Internet est une utopie, car il est fait par les citoyens pour les citoyens et un réseau d’amplitude mondial ne pourra jamais être contrôlé. Internet démontre aussi la puissance que peuvent avoir les citoyens lorsqu’ils font front commun contre ceux qui tentent de briser leur liberté. Dans un monde fragmenté par des états rivaux et des entreprises rivales, un contrôle d’une entité mondiale ne sera jamais possible et c’est pour cela que les citoyens doivent profiter des opportunités qu’offrent Internet pour lutter et s’exprimer tout en respectant l’Homme.

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