Jeux vidéo : des œuvres culturelles à part entière

Icône représentant un vaisseau spatial attaquant un astéroïde

Le jeu vidéo : une oeuvre culturelle méprisée (David Vignoni, GNU 2.1)

Les élitistes bien-pensants de la culture ont des critères spécifiques pour décider de ce qui peut rentrer ou non dans le champ de la culture. Il semble que dans ces critères, il existe le critère de la non-production en rapport avec l’informatique et Internet. À ce titre, les jeux vidéos ne seraient pas des œuvres culturelles, mais juste des produits bons à jeter et à dénigrer, pour eux qui sont dans la Haute Sphère culturelle qui voit tout et qui sait tout.

Le jeu vidéo est une œuvre culturelle

Nier que le jeu vidéo est une œuvre culturelle est un énorme contre-sens, mais c’est aussi tellement conservateur. Le jeu vidéo fait partie des œuvres culturelles de notre temps et c’est à ce titre qu’il n’est pas considéré comme tel, car c’était mieux avant ; la doctrine dans l’élite culturelle est que seuls nos ancêtres étaient capables d’innover en matière de culture et que nous, pauvres mortels (souvent sans le titre ou le diplôme qu’il faudrait pour prétendre à être un acteur de la culture), sommes des incapables. Le jeu vidéo est pourtant une œuvre culturelle, mais une œuvre où le contact entre l’œuvre et son public sont différents dans la forme par rapport à ce que l’on pouvait avoir avant. Cependant, le fond est le même, un joueur qui manipule une manette de console ou une souris et un clavier est en contact avec l’œuvre au même titre que le spectateur qui admire une statue ou un tableau ou bien un lecteur qui lit un livre.

Le jeu vidéo dispose de son univers propre, né de l’imagination de ses créateurs et inspiré de bon nombres d’œuvres antérieures. Sa dimension culturelle est égale aux autres œuvres, car il développe et transmet une pensée, tout en alimentant l’imagination de ceux qui sont en contact avec lui. Le fait que les jeux vidéo soient plus axés sur certains pans spécifiques de la culture, qui ne sont pas considérés comme tel par l’élite bien-pensante, ne lui retire pas cette dimension culturelle. Le jeu vidéo est en réalité une nouvelle approche de l’appropriation d’une œuvre où le joueur doit la manipuler et s’y immerger pour la découvrir.

La production culturelle la plus aboutie

De toutes les productions d’œuvres culturelles, celle des jeux vidéo est sans nul doute l’une des plus avancées et l’une des plus adaptées à la révolution de l’Internet. La conception d’un jeu vidéo nécessite de nombreuses étapes, car le produit sera utilisé par les joueurs qui doivent apprécier le scénario, les graphismes et les mises en scène, mais également la jouabilité et de nombreux autres paramètres propres au jeu vidéo. Pour connaître les attentes des joueurs et pour pouvoir s’améliorer, les concepteurs n’ont d’autre choix que d’interragir avec ceux qui seront concernés au premier chef par le produit : les joueurs eux-mêmes. Dans la vie connectée d’aujourd’hui, une œuvre ne peut être créée que grâce à l’intéraction entre le concepteur de l’œuvre et ses utilisateurs.

Le jeu vidéo est l’une des catégories des œuvres culturelles qui ne s’est jamais aussi bien portée avec l’arrivée et la démocratisation de l’Internet, car il était déjà adapté à la sociologie nouvelle qu’apportait le réseau. A contrario, de nombreuses autres catégories qui ne permettait que peu ou pas l’intéraction concepteur-public ont dû commencer à revoir leur copie. Ce que l’Internet a permis, c’est l’accessibilité directe entre le créateur d’une œuvre et son public, grâce aux techniques et aux applications du réseau. Le jeu vidéo fonctionnait déjà selon cette pratique et l’arrivée du réseau mondial n’a fait que démultiplier cette puissance. Ainsi, là où certains modèles de création ont dû se remettre en question, celui du jeu vidéo a seulement été catalysé.

Une œuvre immersive

On reproche souvent aux jeux vidéo d’être trop immersifs ou de brider l’imagination des jeunes. Ce sont des faits, on ne peut guère les contester, mais ces reproches sont en partie injustifiés. Toute œuvre culturelle un tant soit peu réussie finie par immerger celui qui la contemple, et les jeux vidéo n’échappent pas à cette règle. Des affaires malheureuses montrent que les films ou les séries TV peuvent avoir autant d’influence sur une personne qu’un jeu vidéo si elle y est trop immergée. On note cependant que les jeux vidéo (avec quelques autres œuvres) semblent plus immersives que d’autres productions culturelles ; quelle en est donc la cause ? Le temps. Un jeu vidéo est très prenant, bien plus que n’importe quelle autre œuvre culturelle du fait de la richesse qu’il peut contenir et des possibilités et opportunités d’action qu’il offre. Ce qui le rend très immersif, c’est que son univers est vaste et qu’il peut être utilisé sous diverses formes par le joueur.

Est-ce que le jeu vidéo bride l’imagination des jeunes ? C’est une phrase que l’on retrouve dans certains arguments où l’on tente d’opposer les jeux traditionnels réels et les jeux vidéos. L’argument ? Le fait que ce soit visuel, le joueur n’a plus à imaginer comme il le ferait dans un autre jeu ou même s’il lirait un livre. Argument non-recevable, car il s’appliquerai aussi à toutes les œuvres visuelles (et elles sont nombreuses). Une chose à prendre en compte est qu’il y a deux types d’approches imaginatives de l’œuvres : pendant la contemplation et après la contemplation. Les critiques de manque d’imagination liée au jeu vidéo ne prennent en compte que la première, omettant (volontairement ?) la seconde qui est la plus importante. En effet, les jeux vidéo apportent au joueur un nouvel univers qu’il peut retranscrire, modifier ou juste s’en inspirer pour créer son propre univers en aval, un état de fait très courant qui est omis dans ce cas.

Acquisition de compétences et de pratique

Le jeu vidéo peut permettre d’acquérir ou d’améliorer des pratiques et des compétences (ici, l’anticipation) (Grm wnr, DP)

On considère uniquement le jeu vidéo pour un côté juste ludique, chronophage, qui serait à l’origine de la baisse du niveau intellectuel des jeunes… Bref, les jeux vidéos sont l’anti-thèse même de l’école. La réalité est bien différente : le jeu vidéo permet l’acquisition de compétences et la formation d’une certaine logique qui peut parfois se révéler utile dans la vraie vie. On pourrait rétorquer que savoir comment atteindre la plate-forme super-dure pour choper un bonus spécial dans un coffre n’est pas très utile dans la vraie vie, sauf que pour atteindre la-dite plate-forme, il faut faire preuve de logique et cet exercice fait souvent appel à un temps de réaction et à un synchronisme bien dosé pour parvenir à l’objectif, choses qui sont très utiles dans la vie de tous les jours (ex : l’anticipation quand on conduit un véhicule).

On pourrait multiplier les exemples et tous feraient état de fait que la plupart des pratiques et des compétences acquises plus ou moins inconsciemment dans les jeux vidéo servent dans la vie réelle. Mais pourquoi les jeunes n’en font-ils donc pas usage ? Peut-être parce que au lieu d’apprendre aux jeunes à se servir de ce qu’ils ont acquis au fil de leurs parties, on les culpabilise en leur faisant entendre qu’ils flinguent leurs études, que leur niveau intellectuel régresse à cause des jeux et qu’ils doivent arrêter… Au final, cela amène à un refermement des jeunes sur eux-mêmes vis-à-vis de ces thématiques et à un regroupement entre joueurs qui peut parfois amener à de bonnes brochettes de kikoo-lol avec un QI en-deçà de celui d’un poulpe lobotomisé.

Pour conclure, il faut cesser avec l’élitisme culturel qui marginalise le jeu vidéo et empêche les possibilités éducatives qu’il pourrait avoir de se développer. Cependant, il ne faut pas oublier que tout doit être bien dosé pour éviter les excès et ses conséquences désastreuses et le jeu vidéo ne fait pas exception à cette règle.

Les digital natives ne sont pas tous digital

Un cliché vieux comme l’informatique : les jeunes s’en sortent mieux que leurs aînés et ont tout à leur apprendre sur ce sujet ; les jeunes sont nés avec l’informatique, donc ils s’y connaissent de facto… En bref, on pense que les personnes de la génération Y (nées entre 1980 et 1995), également appelée par les américains les digital natives, et même de la génération Z (nées à partir du début des années 2000) ont des compétences innées en informatique. Démontage en ordre de ce cliché aussi faux que la théorie des quatre éléments natifs d’Aristote (théorie selon laquelle, notre monde serait composé de quatre éléments natifs : la terre, le feu, l’air et l’eau qui fut réfutée par Lavoisier dans les années 1780).

Naître dans ne signifie pas naître avec

La théorie de ce cliché est la suivante : les jeunes d’aujourd’hui sont nés dans un monde où l’informatique et Internet se sont démocratisés, donc ils ont forcement des compétences innées pour maîtriser ces outils qui sont dans leur environnement. C’est un joli raccourci qui s’avère complètement faux quant on voit que c’est un postulat que, s’il devait s’appliquer, l’on retrouverait pour chaque nouveauté de notre vie quotidienne. Prenons un exemple simple : la voiture. Nous sommes dans un monde où la voiture est un outil et moyen de transport aussi commun que l’informatique et Internet ; si l’on suivait le postulat, nous devrions tous avoir des compétences innées pour savoir conduire une voiture et savoir la réparer. Le constat est assez évident, un gamin de 9 ans ne sait pas mieux conduire une voiture que s’il en avait 4 et ne sait pas plus la réparer, à moins de s’y être intéressé très jeune et d’avoir compris les mécanismes qui rentrent en jeu (ce qui n’est pas impossible, bien que très rare). Au final, une majeure partie de la population actuelle est née avec la voiture, ce n’est pas pour autant que cette même majeure partie sait conduire dès la naissance et réparer une voiture. Avec l’informatique c’est pareil, ce n’est pas parce que les jeunes sont nés dans un environnement numérisé et connecté qu’ils savent déjà tout dessus et qu’ils maîtrisent dès la première fois où ils se posent devant un écran. Naître dans un environnement ne veut pas dire naître en maîtrisant cet environnement, pour cela il faut apprendre.

Pour savoir, il faut apprendre

Nous l’oublions un peu trop souvent, la maîtrise d’un savoir nécessite un apprentissage pour assimiler les connaissances et les appliquer. À ce titre, personne ne peut maîtriser l’informatique et le comprendre s’il n’a pas chercher à apprendre et à comprendre comment cela marchait, il n’y a rien d’inné. Les seuls jeunes qui connaissent bien l’informatique et qui le maîtrisent sont ceux qui s’y sont intéressés et qui ont cherchés à appliquer ses fonctionnalités, et contrairement à ce que l’on peut penser, ils ne forment pas une majorité. Une bonne partie des jeunes utilise l’informatique comme un simple outil de travail ou un support de loisir ; mais le fait qu’il arrive à faire des parties de RPG au niveau expert ne fait pas de lui un fin connaisseur de l’informatique, cela reviendrait à considérer qu’un astronome amateur qui arrive à repérer et à observer parfaitement les astres avec son télescope et une carte du ciel serait capable d’étudier la matière noire.

En revanche, le cerveau des jeunes est plus réceptif à l’apprentissage et ces derniers ont donc, en théorie, un certain avantage par rapport à leurs aînés lorsqu’il s’agit d’apprendre la maîtrise de l’informatique. Ensuite, cela n’empêche pas que certains puissent avoir des difficultés à assimiler ces connaissances pour des raisons diverses et variées, parfois plus que des personnes plus âgées.

Internet : produit de consommation

L’un des fers de lance de ce cliché est le fait que les jeunes sont ultra-connectés à Internet, que ce soit par le biais de l’ordinateur ou du smartphone. Une chose importante à savoir est que pour la plupart des jeunes, Internet est un simple produit de consommation. En effet, il leur sert uniquement à rester en contact avec ses amis par le biais des réseaux sociaux et des tchats et permet de consulter n’importe quelle vidéo à loisir ou encore pour certains, à bâcler leurs devoirs en faisant des copier-coller de sites web. Le fait d’être sur des réseaux sociaux ne fait pas d’eux des experts d’Internet, beaucoup d’entre eux se font d’ailleurs piégés sur ces réseaux, ils n’ont même pas conscience qu’ils sont espionnés en permanence et que divulguer des données privées et étaler sa vie privée est dangereux pour le présent et l’avenir.

Il existe cependant des jeunes qui maîtrisent bien Internet ou du-moins une partie d’Internet et savent quels sont les enjeux et les risques du réseau (au-delà des avertissements classiques sur la pornographie, la pédophilie et la réputation), mais cette fraction de la population reste minime. Rien ne prouve par ailleurs qu’une personne qui sait parfaitement importer des vidéos sur Youtube et faire des montages a de solides connaissances en matière de droits d’auteur et c’est même plutôt le contraire dans la plupart des cas.

La réalité est que les personnes des générations Y et Z sont loin de maîtriser l’informatique et Internet dans leur globalité comme on voudrait le croire, la plupart ne les utilise que comme produit de loisir et de consommation sans comprendre ou chercher à comprendre les enjeux. La majorité d’entre eux ne sait pas utiliser réellement un ordinateur et ne cherche pas à comprendre les liens logiques qui existent entre les différents composants. Combien de jeunes savent que leur tchat utilise le protocole IRC et non le protocole HTTP ? Combien d’entre eux sait la nuance qui existe entre les protocoles HTTP et HTTPS ? Combien d’entre eux sait ce qu’est un protocole et que le web n’est qu’une application d’Internet ?

Simutrans : dirigez votre propre compagnie de transport

Ce jeu est disponible pour Linux, Windows et Mac.

Pour ceux qui pestent constamment contre la SNCF et les compagnies de transports urbains, n’attendez plus d’entrer dans ces compagnies pour gérer à votre tour les transports, le jeu Simutrans le fera pour vous.
La qualité graphique du jeu original étant très limitée (au niveau des jeux sur ordinateur des années 1990, le jeu étant en développement depuis 1997), j’ai principalement testé ce jeu avec le pack 128.britain qui présente de meilleurs graphismes et des fonctionnalités plus intéressantes. Dans ce pack, l’architecture des bâtiments et les véhicules utilisés sont typiques de ce que l’on trouve en Grande Bretagne. La version du jeu testée est la 110.0.1.

Dans ce jeu open source, vous êtes à la tête d’une compagnie de transports qui doit créer un réseau dynamique et varié à travers une région afin de lui assurer une prospérité économique. Vous pouvez choisir de transporter des hommes, du courrier et des marchandises par la route, le train, le bateau ou l’avion à différentes époques, de 1750 à la fin du XXIe siècle (entre 1880 et 2050 pour la version originale). Vos choix doivent bien sûr se faire en fonction de votre budget et vous devrez probablement supprimer des modes de transport qui ne sont pas rentables. Si vos transports vous coûteront plus qu’ils vous rapporterons au début, c’est la présence de liaison entre les villes et entre les acteurs économiques qui vont créer l’offre et ainsi susciter la demande, ce qui vous permettra de rentabiliser les déplacements de vos véhicules qui pourront devenir à terme de véritables mines d’or.

Avec Simutrans, vous pouvez gérer une compagnie de transports qui, avec le temps, influera sur l’économie de la région et sur la croissance des villes. Vous pouvez choisir de vous spécialiser dans le transport de fret ou le transport de voyageurs, privilégier l’usage des trains par rapport aux autocars, créer un réseau urbain de transport en commun ou encore bâtir de véritable pôles d’échanges multimodaux entre différents transports vers différentes destinations (les fameux hubs). Vous pouvez également gérer la croissance des villes, créer de nouveaux bâtiments, de nouvelles industries et gérer l’environnement de la région avec l’outil de modification du monde lorsque vous êtes en mode service public. Avant de lancer une nouvelle partie, vous pouvez personnaliser le climat et le relief de la région, le nombre de villes, le nombre moyen de leurs habitants, le nombre d’usines et d’attractions touristiques, les liaisons pré-existantes entre les villes… et aussi l’argent que dispose votre compagnie au départ. En choisissant de jouer selon une chronologie (vous choisissez votre année de départ), vous allez pouvoir gérer votre compagnie de transport selon les transports disponibles dans les différentes époques et voir au fil du temps de nouveaux véhicules apparaître et d’autres disparaître.

Même si les graphismes restent encore assez basiques et en retrait par rapport à ceux de jeux comme SimCity, la dynamique et la complexité de l’ensemble permettent d’apprécier ce jeu de simulation qui vous permet de gérer enfin les transports comme vous l’entendez avec les moyens et les technologies que vous voulez. La complexité apparente est rapidement comblée par le wiki d’aide qui vous permet de vite comprendre les bases et d’explorer toutes les possibilités d’un jeu dont la jouabilité est relativement aisée.