Savoir et vérité : entre science et religion

Certains détracteurs de Wikipédia se plaisent à lui reprocher son principe de neutralité de point de vue, car il ne permettrait pas de faire ressortir la vérité. Cependant, ils oublient qu’une encyclopédie a pour vocation de diffuser et de présenter du savoir et non une vérité. La démarche pour accéder au savoir est purement scientifique et se base sur la raison ; c’est selon ces bases qu’une encyclopédie doit être rédigée.

La vérité : concept humain

Qu’est-ce que la vérité, sinon le désir de l’Homme de connaître la réalité d’un fait, passé ou présent ? Elle est nécessaire pour structurer la société et la maintenir. Le mensonge et l’hypocrisie sont les anathèmes de la vérité et utilisent des moyens pervers pour s’imposer, quand cette dernière mise sur la franchise et la transparence. Nous avons besoin de la vérité, car elle donne un sens à notre vie, aux faits qui s’y passent et à sa compréhension. Nous ne pouvons comprendre les événements qui sont le pur fruit de l’Homme que si la vérité les entoure. Pour résumer, la vérité n’est ni plus, ni moins que le désir de compréhension de l’Homme à propos de ses propres actes. Ce qui différencie la vérité de la réalité est que la vérité ne peut s’appliquer qu’à l’Homme, tandis que la réalité est un concept plus global dans lequel est inclus la vérité. Qu’en est-il des événements naturels et de ce que la science étudie ?

Le savoir n’est pas une vérité

Le savoir est l’état des connaissances humaines à propos de son environnement, proche comme éloigné. La première nuance à distinguer est que le savoir s’applique aussi bien sur des faits que sur des mécanismes ou encore des systèmes, qu’ils soient d’origine naturelle ou humaine. L’étude scientifique est basée sur un raisonnement fait d’hypothèses et d’observations qui amènent à l’élaboration de théories qui sont confrontées aux observations qui les confirment ou les infirment. Le principe même d’une théorie est justement d’être contestable et son destin est d’être un jour abandonnée pour être supplantée par une autre théorie. Ce caractère éphémère et instable des théories est le moteur qui permet à la recherche scientifique de progresser et donc d’évoluer vers un savoir qui tend à se rapprocher de plus en plus de la réalité.

L’Histoire a maintes et maintes fois démontré que le savoir à un temps T n’est pas immuable et qu’il ne peut être imposé comme une vérité absolue et intangible. À l’image de l’Humanité, le savoir est mouvant, il évolue au fur et à mesure que les techniques progressent. La vocation du savoir n’est pas de présenter parfaitement la réalité, car c’est une chose impossible, mais de tendre vers des modèles et des théories se rapprochant au mieux de la réalité.

Bâtir une encyclopédie sur un seul principe : la raison

La nature d’une encyclopédie est de présenter le savoir ; autrement dit, sa conception doit se faire selon le seul et unique principe de la raison, qui régit également la recherche scientifique. Sur Wikipédia, on rencontre de nombreuses personne qui veulent imposer un point de vue ou en supprimer un autre au prétexte que selon eux, on doit y dire la vérité ; cette manière de procéder va à l’encontre même de l’essence primordiale de l’encyclopédie. Le deuxième principe fondateur, tant décrié, de la neutralité de point de vue a pour première vocation de protéger le premier principe fondateur (l’encyclopédisme) de l’instrumentalisation du contenu au nom de la croyance et d’un principe (la vérité), qui n’a pas lieu d’être dans une telle œuvre.

Un exemple simple que l’on peut donner est l’article sur le réchauffement climatique global actuel, qui est à mon sens l’un des articles les plus aboutis en matière de neutralité de point de vue. Que nous dit cet article ? Que les observations scientifiques de ces dernières décennies ont montré que la concentration en dioxyde de carbone dans l’atmosphère augmente de manière inédite depuis le début de l’âge industriel, et qu’une augmentation de la température globale est observée dans le même temps. Il présente également les différentes hypothèses et les conclusions de l’ensemble ; une grande partie de l’article y est consacrée, car ce phénomène fait consensus au sein d’une grande partie de la communauté scientifique et de la société. Cependant, les climato-sceptiques ont une partie qui leur est consacrée, certes bien moindre, du fait du caractère minoritaire de leur point de vue. C’est cela la neutralité de point de vue : un article présentant le savoir complet sur un fait, sans prendre parti et sans prôner une vérité.

Ne pas confondre savoir et croyance

Lorsque l’on tente d’accoler des événements, des mécanismes ou des phénomènes à partir d’une explication leur donnant un sens, nous tombons dans le domaine de la croyance. Le propre de l’Humain est de trouver un sens à tout ce qu’il voit, car il observe avec son regard d’Humain, dont les réalisations ont toujours un sens. Cependant, l’incompréhension ou l’absence de sens face à certaines choses fait que l’on tente de passer par la voie de la facilité avec des explications donnant un sens à ces choses, un sens humain. Cela, on tente de le faire passer pour du savoir. C’est dans cette démarche que s’insère le créationnisme : appliquer des principes propres à l’Homme à la nature, car ceux qui prônent cette théorie sont enfermés dans une croyance qui les empêche de franchir la barrière du regard humain. Ainsi, tout ce qui n’a pas de sens doit être expliqué et si nulle explication humaine n’est plausible ou peut lui donner un sens, on s’en remet à une entité mystérieuse et supérieure ; de là, naît la religion.

L’encyclopédie est basée sur la raison et la démarche de rédaction est purement scientifique. Tenter des passages en force au nom de la vérité ou d’une pseudo-vérité, c’est passer par la croyance, une démarche qui ne tient sur rien de tangible. Qui plus est, s’enfermer dans un dogme de croyance amène au fanatisme, caractérisé par l’intolérance envers celui qui ne respecte pas et qui s’oppose à votre doctrine. L’encyclopédie est le barrage contre l’obscurantisme du fanatisme et ses détracteurs les plus farouches ne seront jamais que des obscurantistes fanatiques enfermés dans des dogmes religieux.

2 réflexions sur “Savoir et vérité : entre science et religion

  1. Bonsoir Grand-Lynx :-),

    Excellent article ! Je crois aussi que la « Charte du contributeur en science sur Wikipédia » devrait s’appliquer à tout article, même non scientifique.

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